Entretien exclusif avec Michael Sheen, alias « Castor » dans Tron l’héritage
Article Cinéma du Samedi 28 Mai 2011

Si Michael Sheen s’est fait remarquer de la critique et du grand public grâce à sa formidable interprétation de Tony Blair dans The Queen (Stephen Frears – 2006), les amateurs de fantastique ont eu le plaisir de le découvrir bien plus tôt, dans Underworld (Len Wiseman – 2003) où il incarnait le redoutable vampire Lucian, rôle qu’il a repris dans Underworld 2 : évolution (Len Wiseman – 2006), ainsi que dans la préquelle de la saga, Underworld 3, le soulèvement des lycans (Patrick Tatopoulos – 2009). Michael Sheen est également apparu avec de longues canines dans Twilight : Chapitre 2 – Tentation (Chris Weitz – 2009) et reviendra dans les deux prochains volets de la série. Notons qu’il a prêté sa voix au lapin blanc dans le Alice au pays des merveilles de Tim Burton (2010).

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Pourriez-vous nous parler de vos souvenirs de jeune spectateur, quand vous avez découvert Tron au moment de sa sortie en salles, ainsi que de votre expérience du tournage de Tron l’héritage , dans lequel vous incarnez un personnage haut en couleurs, Castor ?

J’ai vu Tron lorsque j’avais 11 ans. Je vivais alors au pays de Galles et mon oncle Russell m’avait gentiment invité au cinéma pour aller voir ce film qui paraissait tellement différent de tous ceux que l’on pouvait voir à ce moment-là. Il y a certains films qui vous marquent beaucoup quand vous les découvrez à cet âge-là, parce que vous êtes le spectateur idéal, celui auquel ils sont tout particulièrement destinés. Vous vous retrouvez projeté dans un autre monde, complètement différent, que vous découvrez non seulement au travers du regard du réalisateur, mais aussi avec les yeux de l’enfance. C’est exactement ce qui s’est passé pour moi. J’ai été littéralement transporté, entraîné ailleurs…Et je peux vous assurer que si quelqu’un était venu me dire à ce petit garçon de 11 ans que j’étais « Fiston, dans une vingtaine d’années, tu joueras dans la suite de ce film », je crois que j’en aurai été tellement stupéfait que je ne l’aurais pas cru. J’ai d’ailleurs encore du mal à y croire aujourd’hui ! Au moment du comicon de San Diego de cette année, Disney avait fait construire un décor qui représentait l’arcade de jeux vidéo que possède Kevin Flynn dans le film de 1982. Tout était reconstitué dans les moindres détails : il y avait même une console du jeu inventé par Flynn dans le film, Space Paranoïds. Imaginez ce que j’ai ressenti quand je me suis retrouvé dans ce décor de Tron, à jouer à ce jeu avec Jeff Bridges, avec Kevin Flynn lui-même, en chair et en os ! (rires) C’était surréaliste ! Complètement fou ! Je crois que c’est pour vivre ce genre de moments que je suis devenu acteur. Pour répondre à la seconde partie de votre question, mes premiers contacts avec le monde de Tron l’héritage ont eu lieu lors de ma rencontre avec Joseph Kosinski, le réalisateur. Joseph avait préparé une présentation de concepts visuels pour me raconter l’histoire en images et me parler de mon personnage. Il m’a dit qu’il souhaitait que Castor dégage une énergie complètement différente de celle des autres protagonistes du film, qu’il se comporte comme un type du monde du spectacle, qu’il ait un comportement excentrique, haut en couleurs.

Vous a-t’il donné des références de personnages de fiction, afin de vous guider dans votre interprétation ?

Oui. Joseph a cité le meneur de revue du film Cabaret, qui était incarné par Joel Grey. Il m’a parlé aussi d’un Monsieur Loyal présentant des numéros de cirque. Lorsque Joseph m’a dit cela, j’ai été intrigué. Je me suis dit que puisque Castor était un programme, il fallait qu’il y ait une logique dans ses actes. Joseph et moi en avons discuté et nous avons convenu que sa programmation consistait à s’adapter à tout environnement, à survivre coûte que coûte, si vous voulez. Tout cela m’a fait penser au personnage qu’avait créé David Bowie dans son spectacle Ziggy Stardust and the spiders from Mars. Et c’est comme cela, avec ces différentes sources d’inspiration que j’ai composé mon personnage. Comme vous l’avez vu, sa coiffure est un clin d’œil à celle de Ziggy.

Pouvez-vous nous parler du comportement de Castor dans le monde de Tron l’héritage ?

Castor est un opportuniste très intelligent, qui prend soin de n’être ennemi avec personne, tout en étant impliqué dans de nombreuses d’affaires plus ou moins louches. Il est constamment « branché », au sens propre comme au sens figuré, sur tout ce qui se passe dans le réseau, et de ce fait, beaucoup de gens viennent le voir pour avoir accès à certaines informations ou à certaines choses. On pourrait dire qu’il sait résoudre des problèmes, tout en étant aussi une sorte d’indic, qui vend ses services au plus offrant. Mais comme il s’occupe d’une sorte de boîte de nuit, où les programmes viennent se divertir, Castor est aussi un homme de spectacle, un artiste et meneur de revue. Ce qui le rend intéressant, c’est que son comportement est toujours ambigu. On ne sait jamais si c’est un ami ou un ennemi ! (rires)

C’est la première fois que vous jouez dans un film où les effets visuels occupent une telle importance. Qu’est-ce que cela a changé dans votre travail ? Comment jugez-vous cette expérience ?

J’ai trouvé cela extraordinaire. Je dois dire que j’ai eu de la chance, car contrairement à mes camarades et collègues, qui ont joué beaucoup de scènes devant des fonds bleus, car la plupart de mes interventions ont lieu dans le décor de la boîte de nuit, qui s’appelle « End of the line » (le Terminus). Cela m’a permis de jouer « à l’ancienne » avec un vrai décor « en dur », des meubles, des objets, des accessoires, et ce, devant une centaine de figurants. C’était vraiment plaisant. Mon personnage étant une sorte de star de showbusiness, je me réjouissais d’avoir une scène et un public à ma disposition quand je l’incarnais. Cela m’a permis de me donner à fond, devant tous ces gens. Il y avait aussi un autre moment magique pendant le tournage. Juste avant que l’on filme une nouvelle prise, le réalisateur disait « Moteur », puis « Allumez-les ! », et à ce moment-là, toutes les parties lumineuses des costumes s’éclairaient sur tous les acteurs et les figurants qui se trouvaient sur le plateau ! A chaque fois, cela me donnait la chair de poule, tant c’était une vision incroyable ! Il fallait presque que je me secoue pour être prêt quand Joseph disait « Action ! » (rires) Les autres moments où je devais jouer dans des scènes d’effets spéciaux sont ceux où apparaît Clu 2.0, ce personnage qui a l’aspect de Kevin Flynn/Jeff Bridges à l’âge de 35 ans. Là encore, c’était étonnant de regarder Jeff jouer cette scène avec ces points dessinés sur le visage, et cette mini caméra braquée sur lui. Après, nous jouions la scène à nouveau avec une doublure corps qui répétait les gestes que Jeff venait de faire. Mais au-delà des effets visuels étonnants du film, mon plus grand plaisir a été de jouer avec Jeff et avec mes collègues acteurs, en se projetant dans ce monde étrange. Pour moi, c’est vraiment un rêve d’enfance devenu réalité.

Avez-vous le sentiment d’avoir traversé l’écran pour entrer dans le film ?

Exactement. Je suis allé dans le monde de Tron! Exactement comme Kevin Flynn, lorsqu’il est scanné, désintégré et aspiré dans l’univers virtuel du réseau ! C’était une expérience fascinante. Quand je regardais des extraits du film ce matin, une scène m’a particulièrement frappé. C’est celle où l’on voit Sam Flynn revenir dans la vieille arcade de jeux abandonnée de son père. Sam rebranche le courant dans ce lieu couvert de poussière, dépose une pièce dans une console de Space Paranoïds, puis, voyant la pièce ressortir de la machine, il se penche et découvre des rayures sur le sol qui indiquent que la console de jeux a été déplacée en arc de cercle. Il la déplace et se rend compte qu’elle sert de porte pour accéder à une pièce secrète dans laquelle son père travaillait. En franchissant cette porte, il va accéder à un autre monde, comme Dorothy dans Le magicien d’Oz, comme Alice au travers du miroir, et comme bien d’autres personnages de grands récits de la littérature et des légendes. Et en voyant les autres séquences du film, je me disais qu’il y avait là de quoi combler et surprendre tous les spectateurs de cinéma, quel que soit leur âge. Si j’avais vu Tron l’héritage  lorsque j’avais 11 ans, je crois que j’aurais eu une expérience quasi-orgasmique ! (rires) L’autre chose qui m’a frappé ce matin, c’est que les scènes d’émotion ne sont pas occultées par les effets spéciaux, tout aussi étonnants soient-ils. Même si l’on se retrouve projeté dans un monde étrange, un peu irréel, les sentiments, eux, sont bien présents et sonnent juste. C’est essentiel pour la narration d’un récit épique comme celui-ci. Je dois avouer que ce matin, en voyant pour la première fois la scène pendant laquelle Sam retrouve son père, après sa si longue absence, j’ai été ému et j’avais une petite larme au coin de l’œil. Et pourtant, ce n’était qu’un court extrait, montré hors du contexte global du film. Mais c’est un moment si simple et si efficace que cette réunion père fils m’a touché. Cela prouve que Joseph a atteint son but principal, tout en réussissant à nous faire voyager dans un univers virtuel, aux designs stupéfiants. Tous les espoirs que j’avais eu en lisant le script se sont bien matérialisés sur l’écran. C’est ce qui me laisse croire que Tron l’héritage sera en mesure de toucher tous les publics, qu’il s’agisse des fans de grande aventure, des accros aux jeux vidéo, et des enfants qui aiment les belles histoires, inspirées par les récits classiques. Et ne parlons même pas des amateurs de design ! Quand ils vont voir les décors, les costumes et les véhicules du film, ils vont avoir un orgasme dans la salle de cinéma ! Ils n’en croiront pas leurs yeux ! (rires)

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